Travailler après 55 ans : ce que les entreprises font vraiment (et ce qu’elles ne font pas)

Voici un aperçu des premiers résultats de l’enquête HR Today Research 55+. Une analyse dé taillée de ces résultats sera présentée lors de deux évènements à Genève et à Lausanne en novembre 2025.

Les compétences des collaborateurs de 55 ans et plus sont reconnues. Mais entre les discours et les actes, le fossé reste énorme. Trop d’entreprises sous-estiment encore le potentiel d’une main-d’œuvre expérimentée, alors même qu’elles en auront bientôt cruellement besoin. La participation au marché du travail des 55+ est déjà élevée. Ils sont aussi moins souvent au chômage que les plus jeunes. Mais lorsqu’ils perdent leur emploi, leur recherche est plus longue et souvent accompagnée de fortes baisses de salaire. Une part importante part également en préretraite, parfois non volontairement, alors que le travail au-delà de l’âge de la retraite reste rare. Statistiquement, les 55+ représentent le plus grand potentiel pour atténuer la pénurie de talents.

Vieillissement démographique: le vrai défi qu’on refuse de voir

Tout le monde parle d’IA (intelligence artificielle), de digitalisation et de transformation. Mais le véritable changement silencieux, celui qui transformera durablement le marché du travail, c’est le vieillissement de la population. Et pourtant, les entreprises ne semblent pas avoir pris la mesure de ce basculement.

D’après notre enquête, 38% d’entre elles aimeraient augmenter la part des collaborateurs plus âgés. Mais 44% préfèrent engager plus de jeunes. Ce décalage montre bien que le changement démographique n’a pas encore été intégré comme une priorité stratégique. Or dans les années à venir, la composition des équipes va changer. Et la capacité à mobiliser toutes les générations, en particulier les plus expérimentées, deviendra un facteur clé de résilience.

Depuis 2020, plus de personnes partent à la retraite qu’il n’en arrive sur le marché du travail. Les entreprises font déjà face à une pénurie de talents et cela ne va qu’empirer et l’immigration actuelle ne permet pas de combler la pénurie de main-d’œuvre. Pourtant, on dispose de ressources, sous-utilisées, souvent écartées: les 55+. L’hypothèse est vérifiée: les collaborateurs plus âgés sont moins souvent au chômage que les plus jeunes. Mais lorsqu’ils perdent leur poste, ils mettent plus de temps à en retrouver un, avec souvent à la clé des pertes de revenus importantes. Pire encore: alors qu’ils représentent le plus grand vivier de talents disponibles, ils sont encouragés à partir plus tôt et ils sont peu accompagnés s’ils souhaitent continuer après l’âge de la retraite.

Ce qu’elles pensent vraiment des 55+

Elles les apprécient beaucoup… sur le papier. Plus de 90% des entreprises reconnaissent leur expertise, leur réseau professionnel, leur compréhension client. Mieux encore: plus des trois quarts estiment que les collaborateurs 55+ renforcent la compétitivité de l’entreprise. Mais à une condition: qu’ils soient déjà en poste. Car côté recrutement, le bilan est très différent. Moins de 20% des entreprises affirment recruter activement des 55+. Pourtant, près des deux tiers des répondants aimeraient que ce soit une priorité. Et plus de 70% estiment qu’un recrutement est rentable si la personne reste 4 ans ou plus, ce qui est parfaitement réaliste, y compris après 55 ans.

Alors, pourquoi si peu de passages à l’acte? Parce que les biais restent puissants, et souvent non challengés. Dans plus de 60% des cas, les entreprises ne recrutent que des profils de moins de 55 ans pour des postes clés. Et moins de 10% ciblent explicitement les candidats très expérimentés.

Préparer la suite à 55+? Trop rarement proposé

Une majorité de répondants déclarent qu’il est possible de changer de poste après 55 ans. Très bien. Mais dans les faits: moins de 20% des entreprises proposent des bilans de carrière 50+. À peine un tiers favorise activement les évolutions de rôle ou de fonction pour cette tranche d’âge, alors que plus de 40% aimeraient que ce soit mis en place. Résultat: des carrières figées, des collaborateurs sous-utilisés, et un gâchis de potentiel parfaitement évitable.

Ce qui ressort aussi de l’étude, c’est un décalage entre les pratiques observées et les attentes des professionnels RH et des managers. Par exemple, 70% sont favorables à une cohabitation des stratégies: encourager à la fois la préretraite et la prolongation d’activité. 57% soutiennent activement le travail au-delà de l’âge légal mais seulement un quart des entreprises le permettent réellement. Les lignes bougent dans les têtes, mais pas encore dans les structures.

Flexibilité et santé: des efforts… trop ciblés

Côté conditions de travail, les résultats sont plus encourageants: entre 43 et 64% des répondants disent que leur entreprise propose des modèles de travail flexibles (temps partiel, annualisation, etc.). Plus de la moitié bénéficient de mesures de prévention santé. Mais encore une fois, très peu d’initiatives visent spécifiquement les 55+. On mise sur l’environnement général…sans penser au parcours individuel. Trois quarts des entreprises déclarent maintenir en emploi les 55+ jusqu’à la retraite légale. Mais près de la moitié reconnaissent accompagner activement vers la préretraite. En revanche, seules 44% favorisent le maintien au-delà  de l’âge légal, et moins de 20% recrutent spécifiquement des profils 55+. Deux tiers des entreprises imposent encore un départ automatique à l’âge légal, sans discussion, même si la performance est au rendez-vous. Le droit de choisir de continuer n’est presque jamais reconnu. À l’inverse, la préretraite est activement encouragée dans plus d’un tiers des entreprises. Et le travail au-delà de 65 ans? Marginal, sauf pour les profils experts avec seulement 28% d’ouverture en ce sens.

Diversité des âges: un enjeu encore mal appréhendé

On parle beaucoup de diversité et d’inclusion. Mais dans les faits, la question générationnelle reste encore trop peu intégrée dans les politiques RH et managériales. D’après notre enquête: plus de la moitié des entreprises disent encourager les équipes intergénérationnelles. Pour autant seulement un tiers ont mis en place une réelle réflexion sur les besoins, les attentes et les représentations liées à l’âge. Enfin, près de la moitié des répondants estiment que cette prise en compte est devenue essentielle. Résultat? Des décalages de plus en plus visibles. Des générations qui cohabitent, sans toujours se comprendre. Des managers qui manquent d’outils pour composer avec des visions du travail parfois opposées. Ce n’est pas une question idéologique. C’est une question de performance collective. Former les managers à comprendre les logiques générationnelles sans tomber dans les clichés est aujourd’hui clé. Car à l’heure où toutes les générations doivent travailler ensemble plus longtemps, ce n’est pas l’âge qui crée les tensions, c’est le manque de dialogue structuré.

Que faire avec ces résultats?

Cette enquête révèle une évidence: les entreprises n’ont pas encore fait leur révolution démographique. Elles reconnaissent les qualités des 55+, elles sentent venir la pénurie, elles savent qu’elles devront changer. Elles conti- nuent à recruter trop jeune, préparer trop tard, et laisser partir trop vite. Le changement ne viendra pas tout seul. Il faut former les managers à reconnaître leurs biais, créer un Talent Management 55+ digne de ce nom et donner du choix, du rythme, du sens aux parcours en deuxième partie de carrière. Et surtout, arrêter de considérer l’âge comme un risque, plutôt que comme une ressource.